FHM (France)
Août 2000
Musique
INTERVIEW
Leur nom se prononce "ecstasy" et pourtant, ils ne sont pas nés de la dernière rave. Depuis vingt-trois ans, ce groupe anglais (aujourd'hui réduit à ses deux "cerveaux") défend une pop génialement surannée, héritée des Beatles. Avec Wasp Star, leur dernier album, Andy Partridge et Colin Moulding (45 et 46 ans), vont faire rosir d'aise les trois scarabées survivants.
Vous avez tous les deux traversé pas mal de galères : Andy a failli devenir sourd, a connu un divorce féroce, Colin a dû assister sa femme agoraphobe, Virgin vous a exploité avant de vous jeter après vingt ans de loyaux services... On est étonné de vous trouver si primesautiers sur ce nouvel album !
Andy - Et vous oubliez une prostate flagada due à un alcoolisme momentané ! Sérieusement, l'adversité et l'insuccès n'ont pas tué nos désirs et nos rêves. Au contraire, ils les ont attisés.
Imaginez que - hypothèse improbable - vous deveniez vantards sous l'effet de l'alcool : comment feriez-vous l'éloge de XTC ?
Andy - L'ivresse est la partie la moins dure à imaginer (ils rient). Bon, si vous insistez, nous composons les meilleures mélodies depuis les Beatles. Nos textes sont aussi tordus, mais plus marrants, que ceux de Bob Dylan... Sinon, nous équivalons à deux-cinquièmes des Rolling Stones.
Vous avez fait partie de la génération "after-punk" avec des groupes comme Police, Madness, les Specials... Comment jugez-vous votre parcours par rapport à ces groupes qui, pour la plupart, n'existent plus ?
Andy - Police était doué pour la comédie. Ils avaient un super look, un leader charismatique avec Sting et ont connu le succès très tôt. Nos chansons n'avaient rien à envier aux leurs. Le sex-appeal et l'ambition ont fait la différence.
On vous présente comme des sorciers de la pop et pourtant, depuis Making Plans for Nigel (1979), vous n'avez pas eu un hit. Pourquoi ?
Andy - Mystère. Nous, on cuisine sans livre. Le secret ? Goûter... Si c'est bon, laissez mijoter. Si c'est immonde, jetez tout.
Swindon, votra ville, ça serait pas un peu le village du Prisonnier ? Vous n'en sortez jamais !
Andy - C'est un ville abominable. Les fans qui viennent en pèlerinage sont très étonnés. Ils imaginaient que notre musique jaillissait du village de Mary Poppins. Si seulement j'avais l'argent pour émigrer à Bath, la ville voisine !
Votre dernier concert a eu lieu à Paris en mai 1982. Il avait duré trois minutes puisque Andy s'était effondré au bout de trois minutes.
Andy - C'était ma première crise de panique. Mon estomac, mes jambes, ma tête : tout m'a lâché en même temps. L'horreur...
Savez-vous que vous possédez un point commun avec George Michael ?
Andy - La coiffure à la Lady Di ? L'acné ? Les pissotières ? Ah, on a fait la grève contre notre label. Ken Loach devrait en faire un film.
Que pensez-vous de... Britney Spears ?
Andy - Elle et ses copains sont avant tout des acteurs. Ils sont dressés à sourire, danser, simuler la confiance. S'ils avaient l'air inquiets, personne n'achèteraient leurs disques.
Colin - Quand vous chantez, rivé à votre guitare ou à votre micro, vous vous sentez incroyablement puissant. Comme un gang avec des crans d'arrêt. Tout se complique quand il faut parler au public.
Andy - Hello Paris ! Oh mince, on est à Lyon.
Colin - Tais-toi, on l'a faite celle-là !
Vous qui êtes friands d'histoire médiévale, n'aimeriez-vous pas défier en tournoi vos maîtres, Paul McCartney, Brian Wilson, Ray Davies, Burt Bacharach... ?
Andy - A supposer que je ne m'agenouille pas respectueusement devant ces nobles chevaliers ! Par contre, Michael Jackson, le soi-disant "king of pop", je te le ferais valser ! Quant à la gamine (Britney Spears : NDLR), je ne daignerais même pas relever son gant... (Rires.)
Etes-vous hantés par la quête de la perfection pop ?
Andy - La démarche est passionnante. Mais la perfection pop n'est pas un Graal. C'est une chimère. Phil Spector et Brian Wilson auraient gagné à s'en persuader.
Qu'est-ce qui vous pousse alors à écrire de nouvelles chansons, après vingt ans de carrière ?
Andy - La vanité d'égaler nos maîtres, d'exorciser les influences qui nous font douter de notre originalité. Mais aussi la volonté de mieux se connaître. Ecrire une chanson, c'est comme graffiter le mur de votre âme, une tentative de carte de votre monde intérieur à l'intention de vous-même et des autres.
Savez-vous que lorsqu'on tape XTC.com sur le Net, on tombe sur un site cochon ?
Andy - Qui a dit que nous étions des losers : regardez "XTC, le n° 1 du hardcore sur le Net". Attention, les gars, XTC peut décidément vous rendre... sourds. Propos recueillis par Bertrand Rocher
Wasp Star (M10). Mais aussi : le best-of Fossil and fuel (Virgin), et le grand English Settlement Virgin.
Go back to Chalkhills Articles.
[Thanks to Frédéric Solans]